Sainte Jacinthe et saint François de Fatima

Par le Père Marie-Michel


« Si je pouvais mettre dans le cœur de tout le monde le feu que j’ai là, dans la poitrine,
et qui me brûle et me fait tant aimer le Cœur de Jésus et le Cœur de Marie ! »

 Bienheureuse Jacinthe


L’histoire des enfants de Fatima est simple et joyeuse, douloureuse et glorieuse : elle est un reflet très pur des Evangiles. Il faut y deviner, à travers leurs personnalités bien distinctes et leur communion étonnante, l’œuvre de l’Esprit qui se déploie jour après jour dans le cœur des enfants de Marie qui écrivent des pages étonnantes dans l’histoire de l’Eglise contemporaine… Là, des pages de l’Apocalypse s’actualisent comme jamais dans ce grand combat qui a commencé et s’intensifie entre « la Femme revêtue du soleil » (Ap 12,1) et « un énorme Dragon rouge feu » (Ap 12,3).
Ainsi la canonisation de François et Jacinthe le 13 mai par le Pape François s’inscrit comme une lumière d’enfance évangélique au milieu des grands combats de la fin des temps qui s’accélèrent…
Avant de nous arrêter quelque peu sur les visages de François et Jacinthe, il faut se souvenir ici d’un fait surnaturel pour comprendre la mission différente des trois enfants. La Vierge le leur révéla dès l’Apparition du 13 juin : « Jacinthe et François, je les emmènerai bientôt. Mais toi, tu resteras ici quelque temps. Jésus veut se servir de toi pour me faire connaître et aimer. Il veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé  ». A la fin de cette seconde Apparition, la Vierge ouvrit les mains et montra son Cœur entouré d’épines qui paraissaient s’y enfoncer… et le faisceau lumineux enveloppa les enfants de telle sorte que François et Jacinthe paraissaient être dans la partie qui s’élevait vers le Ciel et Lucie dans celle qui se répandait sur la terre. Cela s’est réalisé très précisément puisque François est parti au Ciel le 4 avril 1919 et Jacinthe le 20 février 1920. Lucie, elle, s’envolait 85 ans plus tard !


Bienheureux François : l’humble contemplatif…

Le petit François est un enfant très attachant dont la conduite humble et pacifique traverse toute sa vie. Il a 9 ans. Dès la première Apparition et, après les visites de l’Ange, il va vivre une épreuve : car à chaque Apparition, Lucie va voir et dialoguer avec la Vierge, Jacinthe, elle, voit et entend mais garde le silence ; François, lui, voit mais n’entendra jamais les paroles de Marie que lui rapporteront les deux fillettes après chaque Apparition. Mais le 13 mai 1917, François ne voit ni n’entend la Dame et il en est troublé.
   Alors, Lucie s’en étonne : « Comment se fait-il que François ne vous voit pas ? » Et la réponse de la Dame est claire : « Dis-lui de réciter le chapelet et il me verra aussi ! » Lucie fait la commission et François accueille de suite l’invitation de la Vierge… et au bout de quelques Ave, il voit aussi la Dame ! Cet épisode très réaliste fonde dans la vérité évangélique les Apparitions de Fatima où la Vierge situe d’abord sa venue dans la conversion à la prière. François, dans sa si belle âme, en tirera toutes les conclusions au quotidien et on le verra désormais dire seul de nombreux chapelets.
   François était tolérant, pacifique et bienveillant. Il avait compris très tôt que les discussions où l’on finit par s’opposer coupe de la paix intérieure et que « la plus grande victoire n’est pas le fait de vaincre les autres, mais de nous vaincre nous-mêmes… et parmi les trois bergers, François semble être celui qui a le plus profondément saisi le surnaturel de Fatima. La vie de François contemplatif est un appel aux âmes contemplatives, ces âmes qui se laissent pénétrer par Dieu et qui plongent profondément dans son mystère ; des âmes qui font du silence l’espace vital de leur relation à Dieu. Par elles, Dieu devient présent au milieu des hommes. Bien nécessaires sont ces âmes, afin que le désert de Dieu devienne oasis. François les appelle. Il était charmant de le voir assis sur les hauts rochers, jouer de la flûte et chanter :

   « J’aime Dieu dans le Ciel.
    Je l’aime aussi sur la terre,
    j’aime les fleurs et la campagne,
    j’aime les brebis de la montagne . »

Le petit François est un authentique contemplatif qui savait voir dans la beauté de la création les traces de Dieu. Il avait un amour spécial pour les oiseaux qu’il protégeait et nourrissait en émiettant pour eux son pain. Un autre trait de sa personnalité est cette dimension de vérité et d’absolu que les Apparitions de Notre Dame sont venues ouvrir en lui. Cela transpire nettement dans un dialogue où un jour deux dames s’entretenaient avec lui sur son avenir :
- Tu veux être charpentier ? lui dit l’une d’elles.
- Non, Madame.
- Tu veux être militaire ? lui dit l’autre.
- Non, Madame.
- Tu ne voudrais pas être médecin ?
- Non plus.
- Moi je sais bien ce que tu voudrais… Être prêtre !
 Dire la Messe, confesser… prêcher ?
- Non, Madame, je ne veux pas être prêtre.
- Alors qu’est-ce que tu veux être ?
- Je ne veux être rien !… Je veux mourir et aller au Ciel ! »

Ce sens de l’absolu qui fait du passage sur terre une préparation pour le Ciel nous fait un bien immense. Dans une civilisation matérialiste qui veut nous voler notre finalité, nous avons besoin d’être libérés de nos chaînes multiples et éveillés fortement à notre devenir glorieux dans le Christ. Dès la première Apparition, quand Lucie demande à la Vierge : « D’où êtes-vous ? » Elle répond : « Je suis du Ciel ! »
  En écoutant François sur les différentes Apparitions, on discerne en son témoignage un sens théologique très sûr et un élan mystique admirable fondé sur la vérité de l’Evangile : « J’ai beaucoup aimé voir l’Ange… mais j’ai aimé encore plus Notre Dame. Ce que j’ai aimé le plus a été de voir Notre Seigneur dans cette lumière que Notre Dame nous a mise dans la poitrine. J’aime tellement Dieu !… Nous étions là à brûler dans cette lumière qui est Dieu, et nous ne nous consumions pas. Comment est Dieu ! On ne peut pas le dire ! Oui, vraiment, personne ne pourra jamais le dire ! »


Bienheureuse Jacinthe : l’écho ardent du Cœur Immaculé !

La petite Jacinthe a sept ans lors de la première venue de la Vierge le 13 mai 1917. Susceptible, boudeuse et très directive, elle n’avait pas un relationnel facile avec les autres. Et en plus d’être boudeuse, elle tenait à ce qu’elle avait ! Lucie avoue d’ailleurs qu’elle lui était parfois « assez antipathique » ! Mais elle ajoute très vite que Jacinthe « avait déjà bon cœur et que le Bon Dieu l’avait douée d’un caractère doux et tendre, qui la rendait en même temps aimable et attirante… » Et Lucie ajoute cette précision qui prépare mystérieusement le trio aux Apparitions : « Je ne sais pourquoi Jacinthe, avec son petit frère François, avait pour moi une prédilection spéciale et me recherchait presque toujours pour jouer … »
  Jacinthe est véritablement le témoin aimant et passionné du Cœur Immaculé de Marie. Après les promesses de la Vierge Marie à Lucie qui devra rester plus longtemps sur terre, elle en tire des conclusions qui révèlent l’ardeur mariale de son cœur : « Cette Dame a dit que son Cœur Immaculé serait ton refuge et le chemin qui te conduirait jusqu’à Dieu. N’aimes-tu pas cela beaucoup ? Moi, j’aime tant son Cœur ! Il est si bon ! » Et Jacinthe ajoutera : « J’aime tellement le Cœur Immaculé de Marie ! C’est le Cœur de notre petite Maman du Ciel ! N’aimes-tu pas répéter souvent : « Doux Cœur de Marie », « Cœur Immaculé de Marie ? » Moi, j’aime ça tellement, tellement ! »
   Jacinthe sera aussi très ferme sur la réalité des Apparitions quand Lucie sera si éprouvée dans sa famille et face au curé. Décidée de ne plus revenir après la première Apparition, elle pense que c’est une tentation du démon qu’elle voit une nuit déployer ses griffes pour l’entraîner en enfer. Mais quand elle parle de ses doutes à ses cousins, Jacinthe lui répond avec une forte conviction : « Non, ce n’est pas le démon, non ! On dit que le démon est très laid et qu’il est en dessous de la terre, en enfer. Cette Dame est si belle ! Et nous l’avons vue monter au Ciel ! »     
   D’autre part, Jacinthe va devenir un témoin bouleversant de l’urgence du salut. Elle qui aimait tant jouer va maintenant « jouer » toute sa vie pour sauver les pécheurs. Après la terrible vision de l’enfer révélée par la Vierge aux trois enfants, « l’âme de Jacinthe est entrée dans une grande passion : « celle de souffrir pour la conversion des pécheurs, afin que ceux-ci ne tombent pas en enfer…
   - Pourquoi ne veux-tu pas jouer ? lui demandait Lucie.
   - Parce que je réfléchis. La Dame nous a dit de faire beaucoup de sacrifices pour la conversion des pécheurs… et Elle a dit aussi que beaucoup d’âmes allaient en enfer… nous devons prier et faire beaucoup de sacrifices pour les pécheurs, les pauvres ! »


   Vers la fin, elle confie en quelque sorte à Lucie sa découverte de la mission de Marie dans l’histoire du salut qui s’accélère : « Dis à tout le monde que Dieu nous accorde ses grâces par le moyen du Cœur Immaculé de Marie ; que c’est à elle qu’il faut les demander ; que le Cœur de Jésus veut qu’on vénère avec Lui le Cœur Immaculé de Marie ; que l’on demande la paix au Cœur Immaculé de Marie, car c’est à Elle que Dieu l’a confié .» Alors, suivons Jacinthe sur le chemin de la prière et de l’amour. La paix du monde est entre nos mains à travers le chapelet et les petits sacrifices quotidiens.
   Dans les derniers sacrifices à l’hôpital, elle a cette parole si forte qui devrait bouleverser nos cœurs endormis : « Si les hommes savaient ce qu’est l’éternité, ils feraient tout pour changer de vie ». Jacinthe ira jusqu’au bout de son sacrifice dans sa passion de sauver les pécheurs. Elle mourra « seule » sur son lit d’hôpital, et comme c’est magnifiquement décrit dans le film récent sur Fatima « le 13e jour », des larmes de sang couleront sur son visage… la dernière signature de son amour pour nous avant l’entrée au Ciel.   ●
Père Marie-Michel

Extrait de son dernier livre : (Mai 2017)
« Mon Cœur Immaculé triomphera !
Fatima – Révélation des derniers temps »
Editions du Jubilé : 19 €

Article parut dans Etoile Notre Dame Mai 2017 - N°263

 

 




                     

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