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A Altamura

Altamura, de la province de Bari, ville heureuse et bénie, fut le terme de ses pèlerinages terrestres. Elle y arriva en juin 1904, ayant près de soixante-douze ans, et comme à bout de forces. Son excellence Mgr Cecchini, le très digne évêque des deux diocèses d’Altamura et d’Acquaviva, l’accueillit avec de grands égards. Il savait bien le grand trésor qu’il recevait dans son diocèse. Sur les instantes prières de la servante du Seigneur, il garda fidèlement le secret de sa venue. Il la confia sans la nommer à la noble et pieuse famille Gianuzzi qui ne tarda pas à constater l’extraordinaire sainteté de cette admirable étrangère, et se prit à l’aimer et à la vénérer. Mais celle qui, méprisée par les créatures, chassée de la maison maternelle, avait passé dans le silence et le secret les premières années de sa petite enfance, était destinée par Dieu à mourir dans une chambre étroite, dans un abandon total, séparée de tous, sans assistance ni aide d’aucune créature humaine.

C’est sa coutume, à Dieu, de révéler à ses serviteurs aimés le jour et l’heure de leur mort. Avait-il accordé la même grâce à la favorisée de la Très Sainte Vierge ? Nous l’ignorons. Il faut pourtant remarquer que Mélanie Calvat, trois mois avant sa mort, quitta la pieuse famille Gianuzzi en lui rendant humblement grâce pour sa cordiale hospitalité et se retira dans un bas quartier, le plus éloigné de la ville. Chaque jour, elle se rendait à la cathédrale pour assister à la Sainte Messe et s’y nourrir de « son Bien-Aimé dans l’eucharistie ».

Le jour du 15 décembre 1904, jour octave de la grande fête mondiale de l’Immaculée Vierge Marie précédant la sainte fête de Noël, on ne vit pas venir à l’église la servante du Seigneur.

Mgr l’évêque se hâta d’envoyer chez elle son valet de chambre s’informer si elle avait besoin de quelque chose. Celui-ci frappa à la porte, pas de réponse. Il refrappa, il frappa fortement ; mais toujours le silence. Il se hâta de venir prévenir Monseigneur qui, soupçonnant un accident grave, avertit les autorités civiles. On se rendit sur les lieux et, s’assurant que personne ne répondait, on brisa la porte et l’on entra. La servante du Seigneur gisait sans vie sur la terre.

Sa mort fut le résumé de sa vie

Ainsi sont morts les grands saints à qui l’Église a donné les honneurs des autels. 

Remarquons pourtant que le Dieu des miséricordes, prévoyant et plein d’amour pour ceux qui l’aiment, avait déjà précédemment pris ses dispositions pour sa servante. En France, avant de venir à Altamura, elle fut réduite à la dernière extrémité, et avait reçu sur son lit de mort le Saint Viatique et l’Extrême Onction. Elle avait vécu pauvre, solitaire, pénitente, désireuse que tous l’oublient, seule, recueillie avec Dieu ! Elle voulut mourir comme elle avait vécu !

Mais quelles auront été les délicatesses d’amour de son Bien-Aimé, de celui qui est fidèle et vrai, dans ces solennels moments ? Quels auront été les secours pleins d’affection de l’Immaculée Dame, de celle qui, sur la montagne de La Salette, se montra si belle et si majestueuse ? Quelle aura été l’assistance des anges, ses frères ? Tout cela, il n’est pas permis à un œil humain de le scruter. Sa mort fut le résumé de sa vie ! Malavisés sont ceux qui croient qu’elle mourut sur la terre pour y être tombée subitement d’une syncope ! Non, la servante de Dieu, innocente et pénitente, ne faisait jamais usage de son lit, mais sur la terre, elle dormait ou reposait très peu d’heures de la nuit.

Tu nous aimes en Dieu

O Mélanie, de ce trône élevé sur lequel Dieu t’a placée dans le Ciel, tes regards s’abaissent-ils encore sur cette terre ? Aimes-tu avec le même transport du cœur, ceux que tu aimas en l’exil d’ici-bas ? 

Oui ! Tu nous aimes en Dieu. Et maintenant que dans le Royaume de l’Éternel Amour, tu nous aimes de la parfaite charité. Ne cesse pas de prier pour nous. Prie pour tous ceux qui te vénèrent comme une créature céleste. 

Prie pour moi, qui apporte à ta mémoire ce faible tribut d’hommages, moi qui reçus de ton noble cœur tant de témoignages de pure et sacrée dilection. Oui ! Pour moi aussi adresse tes puissantes prières à l’adorable Rédempteur Jésus Christ et à Marie, sa Mère Immaculée. » 

Saint Annibal-Marie de France, Joseph Blouin, Pierre Téqui éditeur