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Appelée à Messine (Italie)

Messine, la Cité de Marie très sainte, a reçu de tout temps les marques particulières de l’amour de Celle qui lui a promis sa protection perpétuelle. Mélanie de La Salette vint demeurer ici, pendant un an et dix-huit jours (Du 14 septembre 1897 au 2 octobre 1898). Son arrivée fut précédée de quelques signes qui tiennent du miracle.

J’écrivis à Mgr Zola, évêque de Lecce, qui me donna gracieusement l’adresse de Mélanie, et bientôt j’entrais en correspondance avec la servante du Seigneur. Oh ! Quel parfum de sainteté me semblait s’exhaler de ses lettres ! Je m’en trouvais transporté au Paradis ! Un jour elle m’écrivit qu’elle allait quitter Galatina, mais qu’elle ne ferait connaître à personne sa nouvelle résidence. Cela me surprit et je me décidai à aller la trouver pour l’inviter à venir à Messine dans notre Institut. Ce fut pour moi comme un voyage de dévotion vers la Sainte Vierge, je souriais à la pensée de voir et d’entendre parler cette heureuse créature qui avait vu la Sainte Mère de Dieu et l’avait entendue parler.

Je vis Mélanie dans sa pauvre demeure, je conversai avec elle, j’entendis parler de la grande apparition de La Salette ; et sacrées et profondes furent mes émotions. Je l’invitai à venir à Messine, mais elle ne se décida pas. Elle me parla avec affection de Messine.

Notre Institut traversait alors une période de difficultés telles qu’il semblait devoir être supprimé. De retour à Messine, je trouvai mon pauvre Institut près de sa fin. 

Alors je m’enhardis à exposer cette situation à l’Élue du Seigneur et lui renouvelai l’invitation, lui demandant de venir au moins pour une année. Immédiatement elle me répondit qu’elle acceptait, et viendrait dans le but d’organiser et de former cette communauté des Filles du Divin Zèle du Cœur de Jésus, qui sont préposées à l’éducation des orphelines recueillies, et qui ont embrassé la sainte mission d’obéir, par vœu, à ce commandement du Divin Zèle de Jésus. Luc 10,2 : « Priez donc le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson. »

Éducatrice et fondatrice

C’était le 14 septembre 1897, il était 10 heures du matin quand Sœur Marie de la Croix se présenta sur cette place du Saint Esprit, je l’attendais au seuil de ce Saint Temple. Dès que je la vis, je ne pus m’empêcher de m’écrier : « D’où nous vient tant d’honneur qu’une préférée de la Mère de Dieu vienne nous trouver ? » Mais elle, se mettant tout de suite à genoux, implora la bénédiction du prêtre, ensuite elle entra dans la maison du Seigneur et assista dans un profond recueillement au Grand Sacrifice de la sainte Messe. Vous toutes, ô sœurs et orphelines, vous l’attendiez dans la grande salle du parloir. Vous étiez dans une sainte attente, comme si, à travers une créature terrestre, vous eussiez dû voir la Très Sainte Vierge en personne. Et non seulement la voir, mais la posséder au milieu de vous. Quel guide : Mère et Maîtresse ! Dès que vous l’avez vue à mon côté, vous êtes tombés à genoux, saisies de respect et d’affection et vous avez demandé sa bénédiction.

Mais l’humble Servante du Seigneur, confuse, se prosterna elle-même à terre et demanda la bénédiction du ministre du Seigneur pour elle et pour vous. Telle fut son arrivée dans notre pauvre Institut.

Tout était nouveau et mystérieux

Je ne veux pas vous rappeler davantage les merveilles qu’elle opéra ici. Mon Dieu ! Nous avons assisté à des manières d’agir peu communes ! Tout dans cette créature était nouveau et souvent mystérieux, certaines vertus qui émanaient d’elle rappelaient des vies de saints. Tout d’abord, son innocence avait quelque chose d’enchanteur : c’était une colombe très pure qui semblait avoir survolé toutes les misères humaines sans avoir été atteintes d’une seule tache. C’était un lis parfumé de virginité, c’était une enfant à peine sortie des fonts baptismaux et cependant riche de prudence et de sagesse. Plus d’une fois, nous avons vu des petits oiseaux entrer dans le monastère et jusque dans sa chambre, comme s’ils la cherchaient pour jouer avec elle.

L’esprit de mortification et de pénitence qui la dominait fut singulier en elle. Sa nourriture était très rare, elle l’absorbait à très petites bouchées. Elle buvait également fort peu, et jamais à pleines gorgées. Avant d’être parmi nous, elle restait chaque semaine trois jours de suite sans boire et disait : « Il y a de si grandes soifs dans le monde ! » Le jour de Pâques, nous l’avons vu solenniser à table cette grande fête en prenant la moitié d’un œuf. Elle ne mangea jamais un fruit, jamais une friandise. Son sommeil ne dépassait pas trois heures et toujours sur la terre nue, comme vous avez pu le constater, mes sœurs. Combien de fois, au milieu de la nuit, l’avez-vous vue passer, une petite lumière à la main, à travers les dortoirs ! Que dirons-nous des macérations de son corps virginal ? Que signifiaient ces linges couverts aux épaules de sang frais, que vous avez eu l’occasion de trouver en mettant ses vêtements à la lessive ? Que signifiait cette table toute hérissée de clous disposés en croix, qui donnait le frisson et que nous conservons avec des taches de sang décolorées ?

Néanmoins, calme, sereine, tranquille, consommée dans la vertu et la souffrance, elle apparaissait au-dehors comme si elle ne souffrait de rien ; gracieuse et délicate dans sa démarche, ses manières et son langage, et comme si, en elle, les contrastes s’étaient harmonisés, elle était recueillie et sociable, humble et imposante, aimable et réservée, forte et soumise, et elle apparaissait plus qu’adulte et d’âge mûr, celle qui pourtant était une enfant. Elle était en réalité simple comme la colombe et prudente comme le serpent.

Une vie d’amour

Là où je voudrais un langage d’ange pour parler de notre Mélanie, c’est quand je veux vous donner une idée de son fervent amour envers Notre Seigneur Jésus Christ et la Très Sainte Vierge Marie. En vérité sa vie fut une vie d’amour ! Elle aimait Dieu d’un pur amour, et les flammes de cet incendie mystique transparaissaient tantôt plus, tantôt moins. Tous les sens, toutes les fibres, toutes les facultés de cette créature de Dieu tressaillaient d’amour. Vous vous souvenez avec quel transport d’amour elle se nourrissait, toute une journée, de Jésus au Saint Sacrement. C’était son expression : « Ce que j’aime, je voudrais le manger ! »

Elle aurait voulu s’immoler à chaque instant pour que Dieu fût glorifié, Jésus connu et aimé en tous lieux, et toutes les âmes sanctifiées et sauvées. Sa foi vivante et son zèle ardent lui faisaient considérer les prêtres comme de nouveaux Christs, et lui faisaient désirer que la terre fût remplie de vrais Ministres du Sanctuaire.

Je renonce à décrire les merveilles dont vous ou moi avons été témoins pendant que Mélanie demeura parmi nous. Je ne dis rien de ses recueillements subits, dans lesquels elle semblait hors de ses sens et comme ravie en extase ; rien de cette sorte de divination des cœurs qui lui faisait lire les pensées cachées ; rien des deux ou trois guérisons d’orphelines survenues à la suite d’un signe de croix fait par elle ; rien de son extraordinaire confiance en la Très Sainte Vierge, grâce à laquelle elle semblait avoir toujours dans les mains et à temps voulu, les objets, la nourriture ou l’argent, selon les besoins de la Maison. 

Après Messine

Vint le jour de son départ. Elle en était infiniment attristée. Vous vous souvenez bien avec quelle humilité elle se prosternait pour vous demander pardon ; mais vous, en sanglotant, avec combien plus de raison vous le fîtes comme elle. « Mère, lui disiez-vous à travers vos sanglots, vous souviendrez-vous de nous ? Nous recommanderez-vous au Seigneur ? »

Et elle : « Oui, mes filles, toujours je vous porterai dans mon cœur ; toujours je prierai pour vous... Je vous laisse pour supérieure la Très Sainte Vierge. »

De Messine, elle alla à Moncalieri ; de Moncalieri elle passa en France. Elle fut à Diou ; elle fut à Cusset. Mais un jour elle dit : « Je ne veux pas rester en France, je ne veux pas mourir au milieu des francs-maçons. » C’est alors qu’elle résolut à retourner dans sa chère Italie, dans un lieu où elle ne fut connue de personne, et où, dans le silence et la solitude, elle se prépara à mourir. Dé-sormais les feux du divin amour étaient devenus en elle prépondérants ; elle se sentait fortement attirée au ciel.