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Les souffrances de l’âme privilégiée

La souffrance des âmes embrasées de l’amour de Dieu a des motifs très élevés et des fins sublimes. Le cœur, l’âme, les sens sont mis comme en un creuset parce que Dieu n’est pas aimé, parce qu’on le voit offensé, parce que l’on craint de l’offenser, ou parfois parce que dans le secret de l’esprit, le vivant Soleil de la Divine Présence se trouve comme obscurci, ou simplement parce que l’âme aimante voudrait comme s’anéantir afin que Dieu fût glorifié, ou parce qu’elle voudrait s’échapper du corps et voler vers les éternelles étreintes, et elle n’en voit ni l’heure ni l’instant. Ceci faisait crier au Prophète : « Malheur à moi car mon pèlerinage se prolonge ! »

Telle était la souffrance de cette créature privilégiée. Elle-même n’était jamais rassasiée de souffrir pour Jésus-Christ. Elle disait dans ses transports : « Je prie le Seigneur qu’il me fasse souffrir et me cache. » Véritables caractères de vertu solide et de profonde humilité.

Un long martyre

Je ne dois pas passer sous silence un long et saint martyre que souffrit cette âme privilégiée pendant toute sa vie.

Mélanie souffrit toute sa vie une agonie spirituelle, dans l’attente de voir s’accomplir la parole de la Très Sainte Vierge et surgir les nouveaux Apôtres de la Sainte Eglise. Au contraire elle fut témoin que la dévotion à Notre-Dame de La Salette, par un dessein de Dieu, subissait persécutions et quelquefois semblait devoir s’éclipser. Ses regards étaient toujours tournés vers Rome, attendant que la suprême autorité de l’Église entoure de gloire et de splendeur La Salette, et qu’il en sorte la fondation désirée. Mais la prudence du Saint Siège en pareilles affaires et la Divine Providence qui règle et dispose tout réduisaient cette créature d’élection à une continuelle et parfaite résignation à la volonté divine. Alors elle aura dit avec Ezéchias « Voici que ma suprême amertume se change en paix. » (Is 38,17)

Souvent elle se considéra elle-même comme un obstacle à l’accomplissement du plan divin, et alors elle s’anéantissait devant Dieu, et se mortifiait de différentes manières, désirait et soupirait, et implorait de mourir !

Si celle qui apparut sur la montagne de La Salette fut la Très Sainte Vierge Marie, la Mère immaculée de Dieu, si ce fut cette Mère incomparable qui confia un secret à Mélanie et à Maximin et donna une règle très sainte pour un nouvel ordre religieux de nouveaux et nombreux Apôtres, qui pourra douter que la promesse de la Reine du Ciel doive recevoir son entier accomplissement ? Dans ce cas, réjouis-toi, ô innocente bergère de La Salette, réjouis-toi en Dieu, ô âme choisie entre mille : ton long martyre n’a été qu’une préparation à une grâce ineffable ! Le sacrifice de ta vie sainte immolée comme un holocauste à travers les souffrances et les mortifications de toutes sortes sera béni de Jésus et de Marie, et son fruit sera la génération des Élus ! Et qui pourra les compter.

Dieu est admirable en ses œuvres

La vie humble, cachée et pénitente de Mélanie aura formé, en face de l’infinie bonté de Dieu, un titre à sa miséricorde en faveur de l’humanité.

Les quelques mémoires qu’elle écrivit (Saint Annibal-Marie fait ici allusion aux trois versions du récit de son enfance écrites par Mélanie sur ordre de ses confesseurs en 1852 à Corenc, en 1897 à Messine, sur son ordre et en 1900 à Diou), sur elle-même, par obéissance, mettront le comble à cette merveille. 

Les habits de la pénitence, le silence des saints cloîtres donnent un nouvel éclat à sa beauté céleste. Elle était alors à la fleur de ses vingt ans.

En peu d’années, la bergère de La Salette, l’habitante des bois, la virginale colombe, la voici changée en pèlerine du monde, elle entre dans une nouvelle phase de son existence qui doit durer toute sa vie. Pendant cinquante ans environ, Mélanie de La Salette accomplit une mission ou un sacrifice auquel Dieu la destine pour ses desseins impénétrables : une vie nomade, errante, de pays en pays, toujours dans l’espoir d’en trouver un endroit où elle pût se cacher à tous, et où les hommes n’offenseraient pas Dieu !

« Quelques-uns, me disait-elle un jour, croient qu’il me plaît de voyager de-ci et de-là ! Mais combien ils se trompent ! » Et combien elle avait de motifs pour justifier ses pérégrinations !