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Hildegarde, visionnaire

Dès son enfance, Hildegarde fut bercée de visions célestes : ««Dans ma première formation, lorsque Dieu m’a insufflé la vie dans le sein de ma mère, il a fixé à mon âme un don de vision. Dans la troisième année de mon âge, je vis une lumière tellement grande que mon âme en fut effrayée, mais à cause de mon jeune âge je n’ai rien pu expliquer à ce sujet.» Un peu plus tard elle va stupéfier son entourage en décrivant précisément un veau dans le ventre de sa mère et à la naissance de celui-ci, on pourra vérifier que ses dires étaient exacts.

Ses visions ne cessèrent quasiment jamais et cela faisait souffrir la jeune Hildegarde, hors du temps par rapport aux enfants de son âge, et elle ne pouvait pas se confier à son entourage incapable de comprendre ce qu’elle vivait. Alors elle se tut et pleura fréquemment tout le temps de sa jeunesse.

Mais, en 1141, accablée alors par la douleur, elle fit une nouvelle rencontre avec la Lumière qui la foudroie comme un éclair et transforme soudainement sa vie, jusqu’alors effacée : « Et voici que, dans la 43e année du cours de ma vie temporelle, alors que, dans une grande crainte et une tremblante attention, j’étais attachée à une céleste vision, j’ai vu une très grande clarté, dans laquelle se fit entendre une voix venant du ciel et disant : "Fragile être humain, cendre de cendre et pourriture de pourriture, dis et écris ce que tu vois et entends…. Ecris cela, non pas en te fondant sur toi-même, ni en te fondant sur un autre humain, mais en te fondant sur la volonté de celui qui sait, qui voit et qui dispose toutes choses dans les secrets de ses mystères". »

Le mode de vision est étonnant ! On pourrait dire qu’elle voyait comme dans une télévision intérieure comme elle l’explique elle-même dans le prologue du Scivias : « Mais les visions que je vis, ce ne fut pas en songe, ni dans le sommeil, ni dans une espèce de frénésie ; je ne les vis pas des yeux charnels, je ne les entendis pas des oreilles extérieures de l’homme et dans des lieux cachés ; mais je les contemplais, selon la volonté de Dieu, en pleine veille, à découvert, dans toute la clarté de l’esprit, des yeux et des oreilles de l’homme intérieur. »

Ses visions sont à la fois prophétiques, mystérieuses et formatrices pour elle-même et pour ceux qui les recevront plus tard : «Dans une même vision, je compris les prophètes, les évangiles, ainsi que d’autres saints et quelques philosophes sans avoir reçu aucun enseignement humain et j’ai expliqué certains passages tirés de ces œuvres…»

Elle diffusa ces messages de l'au-delà non seulement dans son entourage mais les expédia à Bernard de Clairvaux pour lui demander son avis. Bernard lui répondit que ses visions étaient une grâce du ciel, donc une manifestation de l'Esprit Saint et qu'il fallait continuer à les publier. Le même Bernard de Clairvaux prendra sa défense au synode de Trèves, à la fin de 1147 pour dire qu’il faut « se garder d’éteindre une aussi admirable lumière animée de l’inspiration divine ».