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Kerizinen

KERIZINEN (FRANCE) - 1938-1965
NOTRE DAME DU TRES SAINT ROSAIRE

Marie-Jeanne-Louise Ramonet est née le 7 octobre 1910, en la fête du Rosaire dans la petite ferme de ses parents Yves Ramonet et Maryvonne Porhel, au hameau de Kerizinen, situé à 4 km. du bourg de Plounévez-Lochrist. Elle fut baptisée. Le même jour; elle était fragile. Jeanne-Louise était la quatrième de neuf enfants. A l'âge de 2 ans et demi, elle est atteinte de paralysie (polio) à la jambe droite; elle en gardera des séquelles durant toute sa vie. Marchant difficilement, elle ne put se rendre à l'école avant l'âge de 10 ans mais, étant acceptée comme pensionnaire, elle rattrapa le temps perdu et obtint son certificat d'études.
A 12 ans, après une communion, elle entend le Seigneur lui dire : « Sois mon apôtre, aime tes frères. » A 14 ans, elle se donne au Christ. Plus tard, elle exprime le désir de se faire religieuse, mais elle est refusée pour raison de santé. En effet, chaque hiver depuis 1925, elle doit séjourner dans le service de dermatologie de l'hôpital de Brest. Elle est très décalcifiée. Là, elle aide les religieuses de St Thomas de Villeneuve qui tenaient l'hôpital, fait le catéchisme aux enfants malades, apprend à faire les piqûres. La Supérieure la prend sous sa protection durant ses séjours, mais ne peut lui permettre de réaliser sa vocation. C'est une dure épreuve pour Jeanne-Louise. 
Et c'est lors d'un de ses séjours à l'hôpital - elle a alors 17 ans - que sa mère, son petit frère Joseph (9 ans) et sa soeur Euphrasie (21 ans) meurent tous trois de la fièvre typhoïde. Jeanne-Louise n'a pas le droit de revenir à la maison, à cause de la contagion. Elle vit donc cette tragédie familiale seule, ne pouvant soutenir les siens qui souffrent.
A son retour à la maison, son père fait revenir aussi sa fille Anne-Marie pour aider Jeanne-Louise à tenir la maisonnée. Mais 3 ans plus tard, il décède à son tour d'une crise cardiaque, le 2 juillet 1930. Les orphelins sont pris en charge par leur soeur aînée, Francine ; ainsi, ils ne sont pas séparés et peuvent rester dans la ferme de Kerizinen. 
La vie simple, pieuse et laborieuse continue. Il n'y a pas d'électricité, ni eau courante. Il faut même aller chercher l'eau potable à 400 mètres. La petite ferme n'a que 2 ha 1/2, la terre est pauvre, la vie difficile. Pas de radio, ni de livres, sinon « Buez ar zant », la vie des saints en breton. Peu de contacts avec l'extérieur, sinon le dimanche après la messe au bourg. Mais le contact durant la semaine avec le voisinage est très vivant; tout le monde s'entraide. 
Peu à peu, au fil des années, les enfants se dispersent; restent seules à la ferme Anne-Marie et Jeanne-Louise. La santé de Jeanne-Louise est toujours aussi précaire, le travail de la ferme est lourd pour ses forces. Sa foi la soutient, elle vit dans le silence, le travail, la prière, et une grande solitude intérieure, ne pouvant réaliser son désir de vocation religieuse. 
En 1936, quelqu'un lui offre d'aller à Lourdes avec le pèlerinage diocésain des malades. Elle accepte. Ce sera le seul et unique voyage de sa vie. Là, devant la grotte, elle supplie la Sainte Vierge de lui donner assez de forces pour pouvoir faire son travail à la ferme. Elle est exaucée et revient partiellement guérie. II ne lui est désormais plus nécessaire de séjourner l'hiver à l'hôpital de Brest. 
Deux ans se passent, puis la Sainte Vierge lui apparaît le 15 septembre 1938, alors qu'elle garde ses deux vaches, tout en tricotant. Jeanne-Louise ne s'y attend absolument pas: «Je croyais qu'il n'y avait que les enfants qui ont des apparitions», dira-t-elle plus tard. Elle a très peur, la Vierge la rassure et lui annonce qu'Elle reviendra la voir. La beauté et les premières paroles de l'apparition lui font comprendre que c'est la Sainte Vierge, mais elle n'en dit rien à personne, même pas à sa soeur. Et elle attend qu'Elle revienne, puisqu'Elle le lui a promis. Jeanne-Louise continue donc sa vie de tous les jours et parfois, dira-telle plus tard, « je me demandais ce qu'il m'était arrivé ».

Le 7 octobre 1939, elle se sent poussée par un appel intérieur à se rendre sur le lieu où elle L'avait vue la première fois. Et là, Marie se fait voir. 
C'est le début de cette intimité entre Jeanne-Louise et la Sainte Vierge qui ne fera que grandir jusqu'à son départ pour le Ciel le 19 février 1995.

Tout se passe dans le silence, la discrétion, l'humilité, comme si le surnaturel était naturel: c'est-à-dire que la vie quotidienne, étant tout offerte à Dieu, acquiert une densité surnaturelle presque perceptible. C'est une vie avec Marie que Jeanne-Louise a vécue, et c'est cela que les pèlerins sentaient lorsqu'ils venaient la voir.
A cette seconde apparition, la Sainte Vierge lui demande de s'en ouvrir à son confesseur qui, lui, lui ordonne le silence. Elle obéit. Cependant la Sainte Vierge continue d'apparaître et demande que soit connu son message de paix, tandis que sévit la guerre. 
La croix « posée dès le berceau comme un signe qui distinguera les vrais fidèles » (8.7.61), prend désormais dans la vie de Jeanne-Louise une autre « forme » : celle de la contradiction.

Elle vit de cette intimité, de cette joie si grande avec Marie, mais c'est en secret. La Sainte Vierge demande que des prières s'organisent, mais Jeanne-Louise en est empêchée. Elle fait tout ce qu'elle peut pour répondre personnellement, mais c'est crucifiant. C'est l'épreuve de l'obéissance. 
En 1947, par une indiscrétion ne venant pas de Jeanne-Louise, les apparitions sont dévoilées. Et peu à peu, les voisins viennent aux nouvelles. 
Des signes sont donnés : en 1948, une jeune fille du voisinage, consacrée au Cœur Immaculé de Marie, malade grabataire depuis des mois, demande la guérison. Trois mois à l'avance, en secret, la Sainte Vierge prévient Jeanne-Louise de la date de son départ pour le Ciel et lui demande d'en informer la famille dix jours avant le décès. Ce qui eut lieu. Cette prophétie, bien que dans les larmes et le deuil, est un signe de la présence de Marie à Kerizinen. 
En 1949, une autre voisine, suite à une neuvaine de pèlerinages à Kerizinen, survit et guérit, contre toute attente; les journaux en parlent, Kerizinen sort de l'ombre. Jeanne-Louise devient pour les gens "la voyante". Elle, si timide, en est effrayée. Les gens pénètrent partout sur son terrain, jusque dans sa petite maison. Une autre croix commence: les rejets, les humiliations car, aux apparitions, « on y croit ou on n'y croit pas »... 
Une source est donnée par la Sainte Vierge en 1952. Avant d'être un moyen de conversion et de guérison pour les pèlerins, elle est un don merveilleux pour Jeanne-Louise et sa soeur, cela simplifie tellement leur vie: de l'eau potable à portée de mains jusqu'à la fin de sa vie! Jeanne-Louise en remercia la Sainte Vierge, n'en gaspillant aucune goutte, l'utilisant comme un remède et s'attristant lorsque quelqu'un s'en servait à tort et à travers. 
En 1952 également, sa sœur Anne-Marie se marie et va s'installer non loin de Kerizinen. Désormais, Jeanne-Louise est seule à la ferme, mais elle est aidée par le voisinage lors des gros travaux. 
Cette solitude lui permet une intimité plus grande avec Jésus et Marie. Elle reçoit des communions mystiques durant 21 mois, en 1955/56.

La communion mystique du Vendredi-Saint (en 1955 et 1956) est ensanglantée; elle participe de plus en plus aux souffrances de ces "deux Coeurs unis et meurtris". 

Jésus apparaît pour la première fois aux côtés de sa Mère le le 1er octobre 1955: le mystère des Cœurs Unis de Jésus et de Marie dans le Saint Esprit se dévoile à ses yeux.

En 1956, un petit oratoire de 8m sur 6 est construit sur le lieu même des apparitions. En octobre de la même année, un jugement négatif est émis par l'Ordinaire du lieu. Jeanne-Louise ignorait que cela soit possible; aussi ce fut pour elle un choc très dur. Elle reçut une communion mystique ce jour là, après l'apparition de la Sainte Vierge lui disant de regarder son Cœur. Vraie pédagogue, Marie demande à l'âme qui souffre de tourner son regard vers Dieu, vers Elle, et de ne pas se replier sur elle-même, mais de tout offrir, de consoler, en comprenant que, si Elle (Marie) n'était pas là, où serions-nous ! 
Jeanne-Louise a aussi été aidée par des amis qui se sont rapprochés d'elle, non par opposition aux contradictions des apparitions, mais par amitié pour elle, dans l'attente de ce que la Providence ferait. 
Désormais, pour Jeanne-Louise, le chemin de sa vie semble tracé: elle sera fidèle à la fois à l'Eglise dont elle est la fille et à ce qu'elle a vu et entendu de ses apparitions. Position délicate, éprouvante, semée d'embûches. Pour y arriver, elle reste dans l'humilité, la prudence ; elle ne se plaint jamais, vit dans la prière et le travail, et dans la charité envers le prochain. Dieu la guide, lui envoie des personnes pour soutenir son âme. II est merveilleux de constater qu'ayant vécu 40 ans dans une situation si délicate, elle n'ait jamais dévié dans sa vie de chrétienne comme dans sa fidélité à ce que lui demandait la Sainte Vierge. Et cela dans la paix, sans jamais se contredire.
Jeanne-Louise eut en tout 71 apparitions, s'échelonnant sur 27 ans, la dernière se situant le le 1er octobre 1965.

Pendant 17 ans, la Sainte Vierge vint seule, sauf les trois apparitions de l'Assomption où Notre-Dame était entourée d'anges. Puis le Christ apparut également à ses côtés durant les 10 années suivantes, et saint Joseph une fois dans le cadre de la Sainte Famille. Les apparitions eurent lieu dans le champ non loin de la maison (puis dans le petit oratoire lorsqu'il fut construit), mais parfois aussi dans la maison de Jeanne-Louise, notamment lors de la neuvaine d'apparitions de juin 1962 que le Christ a appelée lui-même "Semaine Eucharistique" chaque jour (sauf le dimanche) Il communia Jeanne-Louise avant de lui donner un message sur le mystère de l'Eucharistie. Le neuvième jour Notre-Dame apparut aussi, demandant que ses fêtes "deviennent en quelque sorte des fêtes eucharistiques, qu'elles soient surtout marquées par la réception de la sainte Hostie".
Après la dernière apparition (1965) durant laquelle la Sainte Vierge avait dit "Je reste et veille avec vous..." , Jeanne-Louise vécut de plus en plus profondément avec Jésus et Marie. Elle avait des locutions pour elle-même, dont elle ne parlait pas, ou très peu. A partir de cette année 1965, elle put se rendre à la messe paroissiale durant la semaine, quelqu'un s'étant proposé de l'emmener. Auparavant, elle n'en avait jamais eu la possibilité. 
En 1970, elle prend sa retraite d'agricultrice et peut ainsi plus facilement recevoir les pèlerins, répondre à un volumineux courrier et assurer le Rosaire quotidien à 15h. Son temps est absorbé, sa vie est toute donnée à Dieu et aux personnes qu'Il lui envoie. 
Peu de temps après, un couple de retraités vient l'aider et s'installe en caravane sur le terrain. En 1972, une association est mise sur pied pour l'épauler dans sa tache : Les Amis de Kerizinen. Ainsi seront construits les équipements nécessaires (aménagement de la source, construction de sanitaires), puis le grand oratoire en 1978, et enfin l'Accueil Saint-Joseph (accueil de jour) en 1992.
En 1977, l'association mariale féminine "les Enfants de Marie de Kerizinen", demandé;en 1955 par la Sainte Vierge. voit le jour sous la direction de Jeanne-Louise.
A partir de 1982, dans un mobil-home pour commencer, puis en 1993 dans la partie privée de l'Accueil Saint-Joseph, Jeanne-Louise s'installe avec quelques personnes, selon le désir de la Sainte Vierge, pour vivre une vie de prière et de travail au service des pèlerins. 
C'est à partir de 1984 que la santé de Jeanne-Louise commence de s'altérer. Elle ne peut plus recevoir les pèlerins comme auparavant (elle les a reçus durant 33 ans), et ne sort donc plus que pour la messe à la paroisse et le Rosaire à 15 h. Son courrier, auquel elle répond personnellement, lui prend beaucoup de temps. Elle prie aux intentions des pèlerins. La liturgie des heures, la lecture de l' Ecriture et de livres de spiritualité, l'Eucharistie quotidienne, sa vie avec Jésus et Marie, son silence et aussi son attention à tout ce qui se passe à Kerizinen, tout cela est offert à Dieu, avec simplicité et ferveur, et beaucoup d'humour, bien sûr. Elle est heureuse d'être cachée, de disparaître. "Ce n'est pas pour moi qu'il faut venir à Kerizinen, mais pour la Sainte Vierge", répétait-elle souvent. Elle se prépare au grand passage, sa vie intérieure est toute tendue vers cette rencontre avec son Seigneur. Elle reçoit le sacrement des malades. Et le dimanche 19 février 1995, à 8h15, soit à l'heure où elle partait habituellement à la messe dominicale, elle s'en alla vers la maison du Père, dans une grande paix.

(D'après A.Callies - STELLA MARIS)