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L'icône de la Trinité de Roublev

L'icône de la Trinité de Roublev
Nicolaï Greschny

Contexte historique

Le monastère de la Sainte-Trinité est situé à 80 km au nord-est de Moscou. Il est fondé au début du 15e par Serge de Radonèje, grand saint de la Russie. De nombreux moines affluent fascinés par le saint et sa spiritualité. André Roublev est l’un de ceux-là.

Le Grand Duché de Moscou est en train de s’imposer aux autres principautés russes. Les tatares sont vaincus pour la première fois depuis deux siècles. C’est une époque de grande créativité ; on construit les bâtiments en pierre et non plus en bois. Au monastère de la Trinité, on termine en 1422 l’Eglise rebâtie en pierre. C’est à cette époque que l’abbé du couvent Nikon demande à Roublev de peindre la Trinité pour l’iconostase de l’Eglise (cloison qui sépare le chœur et la nef dans les églises orientales).

L'icône

Peinte entre 1422 et 1427, elle mesure environ 1m de large sur 1,5 m de haut. Elle est formée de plusieurs planches.

Rappelons que l’icône est une peinture à l’eau où les colorants utilisés sont liés par le jaune d’œuf. Elle se trouve aujourd'hui à la Galerie nationale Tretiakov de Moscou.

Le thème est un sujet de l’Ancien Testament sur lequel se sont penchés les pères de l’Eglise pour parler de la Trinité : l’hospitalité d’Abraham.

Gn 18,1 : « Le Seigneur apparut à Abraham aux chênes de Mambré alors qu'il était assis à l'entrée de la tente dans la pleine chaleur du jour.

Il leva les yeux et aperçut trois hommes debout près de lui. A leur vue il courut de l'entrée de la tente à leur rencontre, se prosterna à terre et dit : « Mon Seigneur, si j'ai pu trouver grâce à tes yeux, veuille ne pas passer loin de ton serviteur. Qu'on apporte un peu d'eau pour vous laver les pieds, et reposez-vous sous cet arbre. Je vais apporter un morceau de pain pour vous réconforter avant que vous alliez plus loin, puisque vous êtes passés près de votre serviteur. » Ils répondirent : « Fais comme tu l'as dit. » 
Abraham se hâta, vers la tente pour dire à Sara : « Vite ! Pétris trois mesures de fleur de farine et fais des galettes ! » et il courut au troupeau en prendre un veau bien tendre. Il le donna au garçon qui se hâta de l'apprêter. Il prit du caillé, du lait et le veau préparé qu'il plaça devant eux ; il se tenait sous l'arbre, debout près d'eux. Ils mangèrent. Ils lui dirent : « Où est Sara ta femme ?» Il répondit : « Là, dans la tente.» Le Seigneur reprit : « Je dois revenir au temps du renouveau et voici que Sara ta femme aura un fils. » Or Sara écoutait à l'entrée de la tente, derrière lui. Abraham et Sara étaient vieux, avancés en âge, et Sara avait cessé d'avoir ce qu'ont les femmes. Sara se mit à rire en elle-même et dit : « Tout usée comme je suis, pourrais-je encore jouir ? Et mon maître est si vieux ! » Le Seigneur dit à Abraham : « Pourquoi ce rire de Sara ? et cette question : ''Pourrais-je vraiment enfanter, moi qui suis si vieille ?'' Y a-t-il une chose trop prodigieuse pour le Seigneur ? A la date où je reviendrai vers toi, au temps du renouveau, Sara aura un fils. » Sara nia en disant : « Je n’ai pas ri », car elle avait peur. « Si, reprit-il, tu as bel et bien ri. »

La célébrité de la scène tient à plusieurs choses : au sens de l’hospitalité chez Abraham, à son respect de Dieu reconnu à travers ses visiteurs, mais surtout à l’approche du mystère de la Trinité évoqué pour la première fois dans la Bible.

Le dialogue nous présente tantôt un, tantôt trois personnages et le pluriel est étrangement mêlé au singulier : « Seigneur, dit Abraham, daigne t’arrêter … Vous vous réconforterez … ». Saint Augustin écrit en parlant d’Abraham : « il vit trois (personnes), il adora un seul (Dieu) ».

L’innovation de Roublev

Le décor est renvoyé en haut dans un espace restreint., les trois éléments (maison, arbre, colline) réduits à ne figurer que comme symboles. Abraham et Sara ont disparu. Rien sur la table sauf une coupe. Les trois anges occupent la quasi-totalité de l’icône

Dans les icônes habituelles on célèbre Abraham accueillant les trois anges ; avec l’icône de Roublev on contemple Dieu lui-même en trois personnes venu parmi nous. C’est le mystère de la Trinité. 

Il faut regarder l’icône lentement, très lentement, se laisser imprégner de tout ce qu’elle reflète. La beauté souveraine de l’icône, la finesse et la douceur des visages, leur similitude parfaite, la paix sereine qui émane du tableau, la communion frappante entre les personnes, leur "mouvement immobile", l’harmonie et la richesse somptueuse des couleurs, la luminosité qui semble jaillir des anges aux ailes d’or, le jeu des lignes droites et des lignes arrondies, la légèreté presque immatérielle de l’ensemble…

Les anges obéissent à quelques règles traditionnelles de l’angélologie : ils sont chaussés de sandales ordinaires (simples semelles tenues par des courroies laissant le dessus des pieds découvert), ils tiennent à la main le bâton des pèlerins.

La masse de la chevelure est un trait propre à Roublev : tous ses anges sont admirablement coiffés, avec des cheveux bouclés sur le devant et les côtés, lisses sur la partie supérieure ; ils forment une masse arrondie très harmonieuse.

Le bandeau, que l’on voit juste au-dessus du visage, est très traditionnel. Les anges sont reconnaissables à ce trait, parce que même s’ils ont les cheveux courts, ils portent une bandelette nouée derrière la tête. Les pans du nœud voltigeant autour de l’oreille prirent une signification : celle de l’écoute, de l’obéissance. Les anges sont des messagers parce que, d’abord, ils écoutent les ordres du Seigneur. On peut les percevoir, à peine visibles, à l’intérieur du nimbe, lui aussi traditionnel pour les anges.

Les vêtements suivent aussi les lois habituelles de l’art byzantin où les personnages sont vêtus en principe d’une tunique et d’un manteau. Roublev a su admirablement jouer des deux : le manteau recouvre les deux épaules de l’ange à notre gauche, tandis qu’il ne repose que sur une épaule, soit la droite soit la gauche, chez les deux autres, ce qui permet de voir, sur l’épaule laissée libre, la claviculum, insigne des dignitaires romains, sorte d’étole retombant de chaque côté de la tunique. Le décolleté très large est aussi propre à Roublev, il dégage un cou en général très fort ce qui fait ressortir davantage la finesse du visage.

On a le sentiment que Roublev a voulu représenter trois anges à la fois très semblables et très différents ; chacun est semblable à l’autre et pourtant le Père a sa spécificité, le Fils aussi, l’Esprit également. C’est la base de notre foi chrétienne.

Ils se ressemblent étrangement avec leur nez fin très long, leur bouche étroite, leur menton très petit, les sourcils légèrement arqués, le dégradé incomparable du modelé.

Les visages expriment une certaine gravité sans aucun doute, mais aussi, et tout autant, une douceur étonnante, une paix qui rayonne. Roublev opte de peindre des êtres de paix et de tendresse. Dans cette icône tout est doux, tout est fondu.

Il faut resituer Roublev dans son temps : au début du 15e siècle, les tatares se livrent à toutes les exactions. La Principauté de Moscou connaît les heures les plus sombres de son histoire. Le monastère de la Trinité de Saint Serge est saccagé et incendié.

En saine logique, Roublev devrait faire appel à un Dieu vengeur et voilà qu’il songe à un Dieu infiniment compatissant, plein d’amour pour un peuple dont les souffrances débordent, un Dieu tout proche des hommes, un Dieu d’une paix infinie et d’une douceur inouïe qui pourra apaiser les populations et leur redonner espoir.

Le Dieu de tendresse et de pitié, dont parle la Bible.

Les trois anges n’ont rien de hautain ni d’écrasant ; ils sont d’une simplicité déconcertante ; on peut parler à leur sujet de l’humilité de Dieu. Les regards de chacun des trois anges, le jeu de leurs mains, l’inclination de leur tête respective expriment manifestement une communion extraordinaire entre eux.

Une autre habitude de Roublev est de peindre des personnages très grands. C’est ce qui donne cette impression de légèreté, d’immatérialité à la scène ; rien n’est pesant ni lourd.

Que ce soit dans la partie supérieure avec le mouvement des têtes, que ce soit vers le bas avec la disposition des sièges, des escabeaux, des pieds, que ce soit sur les côtés avec le mouvement des corps inclinés des anges latéraux, l’impression est très vive que l’ensemble des personnages s’inscrit dans un cercle.

Les trois personnes divines communient l’une et l’autre ; elles parlent entre elles : le sujet de leur colloque ne peut être que la coupe. Le mystère de la Trinité est tout entier suspendu au mystère de cette coupe.

Au centre de tout : la coupe

Roublev est à la fois un génie et l’un des plus grands mystiques chrétiens.

Visuellement parlant, le centre des trois personnages est la coupe. Elle se trouve, au cœur d’une coupe plus vaste que forment les deux anges latéraux depuis leur tête jusqu’à leurs pieds.

La coupe posée sur un autel (car cette table est un autel) est la coupe eucharistique. C’est à son sujet que les trois personnes divines, venues chez Abraham, tiennent colloque.

Il est nécessaire de savoir qui est le Père, qui est le Fils, qui est le Saint Esprit.

Les interprétations sont diverses. Mathématiquement parlant, il existe 6 combinaisons possibles ; en fait seules trois prévalent.

Pour les uns, l’ange central figure le Père, encadré du Fils à sa droite et de l’Esprit à sa gauche. Pour d’autres, il faut regarder les personnages de gauche à droite dans l’ordre rigoureux du Credo : Père, Fils, Esprit-Saint.

La troisième interprétation, qui s’appuie sur l’analyse des symboles, semble être la plus plausible.

La maison, l’arbre et la montagne

Ces trois éléments sont placés au-dessus de chaque personnage ; ils rappellent le chêne de Mambré, la tente d’Abraham et la montagne au pied de laquelle se déroule la scène.

Drôle de montagne en vérité. Absolument jamais on ne représente une montagne de cette manière-là. Ce grand rocher a la forme d’une grande vague en mouvement vers notre gauche. C’est le grand rocher de Daniel. A propos d’un songe de Nabuchodonosor, le prophète Daniel parle d’un rocher qui se détache, frappe une immense statue, symbole de quatre empires du mal, et devient une montagne qui remplit l’Univers. Ce rocher désigne un être divin qui vient instaurer un nouveau royaume à la place des anciens qu’il aura détruits. Ce rocher dans toute la tradition, c’est le Messie, c’est le Christ, le Fils de Dieu.

Le rocher étant le symbole du Christ, l’ange qui se trouve au-dessous de lui est manifestement désigné comme le Fils.

Le bâtiment à gauche désigne l’Eglise et, quand Saint Paul parle d’elle, il affirme que l’Eglise est le temple de l’Esprit. Ce symbole de l’Eglise désigne donc l’ange de gauche comme l’Esprit.

Quant à l’arbre, c’est l’arbre de vie, l’arbre de la création, d’un vert très sombre. Et c’est toujours le Père qui est considéré comme le créateur… L’ange du milieu est bien le Père.

La théologie accorde toujours une préséance au Père : il est toujours nommé le premier, il est considéré comme source de la vie, le credo lui attribue la création, le Fils est né de lui, l’Esprit procède de lui…

A propos de couleurs …

Les couleurs montrent aussi que l’ange du centre a une certaine primauté et donc qu’il est le Père. Il est vêtu d’une tunique rouge pourpre et d’un manteau bleu comme les grands dignitaires impériaux, avec une bande jaune, le claviculum, qui est leur insigne.

L’ange de droite est vêtu d’une tunique de couleur bleue et d’un manteau d’un vert très doux. Le bleu symbolise la sagesse, le vert la nature. Il s’agit donc de la Sagesse incarnée, c'est-à-dire du Verbe, la deuxième personne de la Trinité.

La couleur des vêtements de l’ange de gauche reflète une multitude de couleurs : du bleu, du rouge, du jaune, des teintes irisantes, nacrées, … « L’Esprit souffle où il veut » dit l’Evangile ; il ne peut être limité, contenu, déterminé par tel signe. Il n’a pas d’attribution définie sur le plan des couleurs.

Un argument déterminant

Le personnage de droite se mire dans le vin ou le sang de la coupe et à sa surface apparaissent les traits de son visage. Le colloque des trois anges porte donc sur la Sainte Face que contient la coupe. Par la même, Roublev évoque la passion du Christ. Le personnage de droite, le Fils, perçoit déjà tout le mystère de la Croix.

Reprenons le sens de la scène entière. Les trois personnages sont venus rendre visite à Abraham pour lui parler de ce qui le préoccupe. Il n’a pas de fils. Il en espère toujours un, car il lui a été promis qu’il aurait des descendants aussi nombreux que les grains de sable du rivage ou les étoiles du ciel. Mais il n’en a toujours pas et il prend de l’âge ainsi que sa femme.

Les trois personnages viennent lui annoncer un descendant pour l’an prochain. Plus qu’Isaac, infiniment plus qu’Isaac. Il faut écouter Saint-Paul là-dessus : lorsque Dieu promit un fils à Abraham, il lui parla d’un descendant ; il ne parla pas de "descendants" au pluriel mais de "descendant" au singulier. Car ce descendant c’était le Christ.

Les trois personnages viennent annoncer à Abraham la naissance du Christ qui viendra sauver tous les hommes, ce Christ qui est le Verbe, le Fils.

Voilà de quoi s’entretiennent les trois personnes. Mais en annonçant le salut, elles parlent de la façon dont il se réalisera, par la passion du Fils, qui déjà devine sa destinée dans la coupe. Pour assurer ce salut, il devra connaître la croix.

Regardez le Fils, à droite, la tête penchée vers la coupe, le visage grave. Il accepte d’avance sa mission douloureuse, la main droite abaissée manifestant ce mystère de son consentement.15’

Le Père, au centre, est tourné vers lui. Regardez la façon dont il est assis ; seule la tête penche à sa droite ; tout son corps va vers le Fils bien-aimé en qui il se complaît, comme le dit plusieurs fois l’Evangile. C’est le Fils qu’il a engendré de toute éternité et qu’il envoie parmi les hommes. Combien de fois, le Christ parlera du Père comme de celui qui l’a envoyé.

Tout en étant tout entier au Fils, le Père est aussi tout entier à l’Esprit comme pour lui donner un rôle : c’est lui qui guidera le Fils tout au long de sa vie humaine et qui l’assistera dans sa mission crucifiante. Voyez comment l’Esprit le regarde, dans une attitude ferme, droit ; il le soutiendra. Comme ce regard est à la fois plein de bonté et d’assurance.

Ici encore combien de fois nous entendrons le Christ dans l’Evangile parler de cette aide de l’Esprit : il le dira de multiples manières, par exemple en citant Isaïe : « L’Esprit de Dieu repose sur moi ; l’Esprit de Dieu m’a envoyé ».

Le geste des deux mains droites

Chacun des doigts est disposé d’une manière particulière. Ils signifient « le nom du seigneur » : Jésus-Christ, soit IC et XC en grec.

L’index droit et le majeur incurvé forment I et C ; l’annulaire et le pouce se croisent pour former un X, l’auriculaire courbé forme le C final.

C’est donc la position d’une main qui bénit au nom de Jésus-Christ. C’est pourquoi les évêques en occident l’ont adoptée. Nous apercevons la main non pas du côté de la paume mais du côté du dos. C’est la raison pour laquelle on ne voit pas le pouce.

Le Père et l’Esprit bénissent et désignent le Fils en indiquant son nom de leur main droite. Mais les deux anges font plus, ils sont garants de sa mission. Ils portent témoignage de lui.

Jean 15,26 : « Lorsque viendra le Paraclet, l’Esprit de Vérité qui procède du Père, il rendra lui-même témoignage de moi. »

Roublev nous montre un Dieu serviteur de l’homme, compatissant à l’infini, un Dieu qui veut, dans le Fils, partager la souffrance de l’homme. Car le Fils sera envoyé non pas pour enlever ou supprimer la souffrance d’un coup de baguette magique, mais pour l’assumer. Non pas pour exterminer les violents mais pour se mettre du côté des opprimés et prendre sur Lui leurs douleurs.

Le Fils sur l’icône a la tête penchée, le corps courbé, la main droite abaissée en signe d’acceptation, le visage vers la coupe, les yeux fixés sur elle. Il se charge de sa mission de sauver les hommes. Il souffrira avec et pour eux.

La coupe sur la table est au cœur des trois anges. Mais cette table est ouverte du côté des spectateurs, de notre côté, comme si la coupe nous est offerte. Il faut prendre la coupe pour entrer dans le mystère de Dieu.

Jésus dit lui-même : « Si vous ne buvez pas le sang du Fils de l’Homme, vous n’aurez pas la vie en vous ».

Tout ce qui concerne l’eucharistie peut être rattaché à cette icône.

Résonnances théologiques

L’autel autour duquel sont assis les trois anges est un autel latin. L’ouverture que l’on voit sur le devant est typique de l’autel romain. On éprouva très tôt le désir de célébrer l’eucharistie sur la tombe des martyrs, à Rome en particulier. Les fidèles souhaitaient vénérer les martyrs en touchant leur châsse, du moins la faire toucher par des morceaux d’étoffe qu’ils emportaient et conservaient chez eux. La cavité dans l’autel munie d’une grille permettait d’y accéder.

Occidentaux et orientaux ont une théologie différente sur le dogme du mystère de la Trinité.

Les orientaux s’en tiennent au Crédo défini aux conciles de Nicée et de Constantinople : « L’Esprit procède du Père ». Les occidentaux ont peu à peu introduit dans ce Credo une formule nouvelle « filioque » : « L’Esprit procède du Père et du Fils. »

Un homme aussi mystique et profond que Roublev a su intégrer les deux positions occidentales et orientales.

Relevez les attitudes respectives des trois personnes avec le jeu de leurs mains et celui de leurs regards, elles rendent compte de toutes les définitions dogmatiques.

« L’esprit procède du Père », comme du principe Premier, de la Source, disent les orientaux : le Père au centre, personnage apparemment le plus important, porte ses yeux vers l’Esprit, comme s’il se donnait à Lui. L’Esprit tient tout de lui.

« L’Esprit procède du Père et du Fils » : le visage du Père et du Fils à droite, leur manière d’être assis, leur inclination. Ils sont tous deux tournés vers la gauche, vers l’Esprit.

« L’Esprit procède du Père par le Fils », c’est la formule qui rallie occidentaux et orientaux. Le Père se porte vers l’Esprit, mais en même temps par sa main droite et par l’ensemble de son attitude, il englobe le Fils à droite. Il passe par lui pour se donner à l’Esprit.

Toutes les théologies sont respectées. Nulle part et à aucune époque de l’Eglise, on ne trouve une méditation aussi dense sur le mystère de la trinité. Roublev traduit en un tableau d’une simplicité déconcertante, ce que tous les livres de théologie n’ont jamais pu exprimer.

L’icône de la « Trinité » est une œuvre d’art incomparable. Et pourtant ce n’est pas ainsi qu’il faut la regarder. Elle est avant tout une œuvre religieuse, un objet de piété que l’on se doit d’approcher dans la foi. Roublev veut nous élever à la méditation la plus élevée qui soit sur Dieu et sur l’humanité.

Roublev nous met devant les yeux ce mystère d’unité de la Trinité auquel nous sommes conviés à participer. C’est la destinée même de l’humanité que nous méditons devant cette icône.

Nous avons à entrer dans l’union entre les trois personnes de la Trinité. Nous avons à entendre ce dialogue muet des Trois, un dialogue qui porte sur le salut de l’humanité par la passion du Fils, afin que l’humanité communie un jour à l’Amour Infini des trois.