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Le vœu national de 1870-1871

Dans une lettre adressée aux curés de son évêché nantais le 4 septembre 1870, jour de la déclaration de la troisième république, Mgr Félix Fournier attribue la défaite de la France dans la guerre franco-prussienne de 1870 à une punition divine après un siècle de déchéance morale depuis la révolution de 1789.

Cette lettre a pu inspirer un vœu prononcé en décembre de la même année par Alexandre Legentil devant son confesseur le père Gustave Argand, dans la chapelle du collège Saint-Joseph de Poitiers dont ce dernier était le recteur. Une stèle apposée à l'entrée de la chapelle rappelait que ce vœu était à l'origine de la construction de la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre.

Avec un autre notable parisien, le peintre Hubert Rohault de Fleury, Alexandre Legentil entame les démarches qui devaient aboutir à la réalisation de la basilique du Sacré-Cœur plusieurs décennies plus tard. Alexandre Legentil rédige en janvier 1871 un vœu personnel qui prend par la suite une ampleur nationale :

« En présence des malheurs qui désolent la France et des malheurs plus grands peut-être qui la menacent encore. En présence des attentats sacrilèges commis à Rome contre les droits de l'Église et du Saint-Siège, et contre la personne sacrée du Vicaire de Jésus-Christ nous nous humilions devant Dieu et réunissant dans notre amour l'Église et notre Patrie, nous reconnaissons que nous avons été coupables et justement châtiés. Et pour faire amende honorable de nos péchés et obtenir de l'infinie miséricorde du Sacré-Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ le pardon de nos fautes ainsi que les secours extraordinaires, qui peuvent seuls délivrer le Souverain Pontife de sa captivité et faire cesser les malheurs de la France. Nous promettons de contribuer à l'érection à Paris d'un sanctuaire dédié au Sacré-Cœur de Jésus. »

La forte personnalité d'Alexandre Legentil dans le paysage catholique parisien et ses nombreuses relations permettent au projet d'acquérir une dimension nationale.

Selon l'historien Miguel Rodriguez, le concept de vœu est fondamental, en tant que « promesse faite à Dieu ». De la relation spirituelle des mystiques avec Dieu au « vœu national », en passant par la fondation d’ordres se réclamant du Sacré-Cœur, l’histoire de la dévotion montre que le vœu assumé, vis-à-vis de cette figure, peut-être, aussi bien un comportement individuel qu’une manifestation de foi collective : il va associer au XIXe siècle un engagement religieux et des pratiques laïques. Il est pour lui une continuité totale avec le vœu de Louis XIII, de Marguerite-Marie Alacoque au roi Louis XIV et de celui de Louis XVI dans la prison du temple.

Le vote de l'Assemblée nationale

Les promoteurs de la construction du Sacré-Cœur font appel fin 1872 à l'Assemblée nationale afin que l'église soit reconnue comme étant d'utilité publique. C'était le seul moyen semblant possible pour acquérir les terrains nécessaires, propriétés de la ville et de nombreux particuliers. Après des débats houleux, la loi d'utilité publique est votée le 24 juillet 1873 par 382 voix sur 734.

Elle offre à l'archevêque de Paris (Mgr Guibert) la possibilité de se porter acquéreur des terrains sur la colline de Montmartre par voie d'expropriation si nécessaire : les terrains visés derrière l'église Saint-Pierre, sont occupés par des guinguettes, un champ de foire et des jardinets. Il est aussi prévu que l'église « sera construite exclusivement avec des fonds provenant de souscriptions » et « sera à perpétuité affectée à l'exercice public du culte catholique ».