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Mgr Guy de Kérimel parle de Pontmain

Chaque année, le 17 janvier, nous fêtons la belle apparition de Notre-Dame à Pontmain. D’une part, parce que ce sanctuaire se trouve proche de chez nous, (Mayenne est à une heure de route de Pontmain), véritable privilège, mais aussi parce que le message profond donné par Marie mérite une attention toute particulière. Cette année, face aux événements qui ont marqués la France, le message de Marie à Pontmain prend une dimension toute particulière. Mgr Guy de Kérimel présidait la messe solennelle au sanctuaire de Pontmain devant plusieurs milliers de personnes. Il a rappelé le cœur du message de Marie en soulignant l’importance de l’espérance et de la prière. Nous proposons à votre méditation l’intégralité de son homélie qui, à elle seule, est une véritable réponse à toutes nos interrogations face aux événements tragiques qui secouent notre société française, la violence, les lois destructrices de la vie, le blasphème et le non respect des religions. L’unique réponse est dans le Christ.

Aujourd’hui encore, comme en 1871, Marie nous invite à l’espérance. A cette époque, les Prussiens étaient arrivés aux portes de Laval, et tout semblait perdu. Les paroissiens de Pontmain n’arrivaient plus à suivre leur curé dans le chant du cantique “Mère de l’Espérance”. A quoi bon prier, “Dieu ne nous écoute pas !”.Nous les chrétiens du XXIème siècle, nous devons être témoins de l’espérance dans un monde qui a perdu le sens du réel et de la transcendance, suscitant divisions et violences. Les signes de désespérance sont nombreux dans notre société ; les lois sociétales depuis quelques décennies, ne font que promouvoir une vision désespérée de la personne humaine : on ne croit pas l’être humain, capable de dépasser ses passions égoïstes, on ne croit pas que la vie humaine vaut plus que la non existence ou la mort, on ne croit pas que l’altérité est au fondement d’une vraie communion. En évacuant Dieu de l’espace public et de la culture, on a fermé le monde sur lui-même : notre société contemporaine n’a d’autres horizons que son propre nombril, et elle n’a d’autre absolu que la liberté de faire n’importe quoi, jusqu’à revendiquer le droit de blasphémer et d’humilier les croyants. Le terrorisme n’est pas le moindre signe de désespérance, quand on n’a plus que la violence pour imaginer changer le monde. Mais je vais m’arrêter dans ces constats négatifs pour ne pas tomber dans la désespérance que je veux dénoncer.
Si nous, chrétiens, perdons l’espérance, qui ouvrira un avenir à notre monde ? Marie, Mère de l’Espérance, nous invite à la confiance, et surtout à recevoir du Christ les signes d’un avenir possible, les signes du monde nouveau. Les joies de ce monde ne suffisent pas, comme le premier vin des noces de Cana, à combler notre soif ; de fait, les joies humaines sont courtes, limitées, tandis que le cœur de l’être humain aspire à l’absolu. Qui peut combler la soif du cœur humain ? Les chrétiens ont trouvé, dans le Christ, le fondement de leur espérance, la source de la vraie joie : Seul le Christ peut apporter ce vin nouveau qui est donné en surabondance, et qui met les cœurs dans une joie que nul ne peut nous ravir (Jean 16,22).
Oui, notre espérance repose sur la venue dans notre chair du Fils de Dieu. Il est Lumière née de la Lumière, Lumière inaccessible qui vient éclairer nos ténèbres et réchauffer nos cœurs. Marie apparaît à Pontmain en une fin d’après-midi d’hiver et au début de la nuit ; il fait nuit et il fait froid dans les cœurs tentés par la désespérance ; sa présence et son message sont lumière dans la nuit ; elle réchauffe les cœurs, elle fait tomber les peurs ; le beau sourire de Marie met les enfants dans une joie communicative. Marie nous rappelle toujours que Dieu s’est fait homme ; elle atteste de l’Incarnation du Fils de Dieu : “Dieu a envoyé son Fils ; Il est né d’une femme…, pour faire de nous des fils”, disait la deuxième lecture. En son Fils Unique, Dieu s’est engagé définitivement avec l’humanité ; Jésus a pris sur Lui notre péché et Il a vaincu la mort, nous ouvrant les horizons infinis auxquels notre cœur aspire. L’avenir est non seulement possible, mais certain. Désormais, “Rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus notre Seigneur”, dit Saint Paul (Rom. 8,39). La Vierge Marie nous donne Jésus notre Espérance ; elle ne cesse d’intercéder auprès de Lui pour tous les hommes que Jésus lui a donnés pour fils. Elle nous invite à écouter son Fils, à mettre notre foi en Lui, pour que le vin des noces éternelles jaillisse en abondance, déjà ici-bas, en attendant que nous entrions dans la plénitude de la joie.
Tout au long de notre pèlerinage de foi, sur cette terre, Marie nous accompagne et nous manifeste sa sollicitude maternelle, nous invitant, comme elle a invité les serviteurs des noces de Cana, à faire ce que Jésus nous dit. Sa foi soutient notre foi, elle nous apprend à compter vraiment sur Dieu, sur son Fils Jésus et à construire toute notre vie sur Lui. La Vierge Marie nous met dans les conditions de foi qui permettent au Christ de nous sauver, d’accomplir les signes de notre salut, de notre libération.

Ici, à Pontmain, comme en bien des lieux où elle est apparue, Marie demande à ses enfants de prier. La prière est la mesure de notre espérance. Elle est le moyen d’entretenir notre relation avec Dieu, et ainsi, de maintenir notre foi vivante, notre espérance ferme, notre charité active. Elle est réponse à Dieu qui nous parle ; elle est dialogue avec Lui ; elle nous permet de Lui présenter nos demandes ; elle est l’expression de notre désir, et donc elle nourrit notre espérance. Mais attendons-nous encore quelque chose de Dieu ? Hélas, je crains que même des chrétiens n’attendent plus rien de Dieu ! “Mais priez mes enfants, Dieu vous exaucera en peu de temps. Mon Fils se laisse toucher”. Il nous faut, aujourd’hui encore, prendre très au sérieux cette invitation de Notre-Dame de Pontmain. Ne pas prier c’est ne rien attendre de Dieu, c’est empêcher Dieu de nous combler de ses grâces. Le Christ souffre de notre peu de foi et de notre manque d’espérance ; la Vierge Marie l’a fait comprendre en plusieurs lieux d’apparition. Nous nous privons de grâces nombreuses que Dieu veut nous accorder parce que nous ne les demandons pas, parce que nous ne sommes pas prêts à les recevoir.
Si Dieu semble tarder à exaucer nos prières, c’est pour purifier nos demandes et préparer nos cœurs à recevoir ses dons de manière humble, et dans les dispositions qui nous permettront de les faire fructifier. Car nous savons gaspiller non seulement les biens de la création mais aussi les grâces que Dieu nous accorde !
Aujourd’hui, si nous aimons notre pays, si nous aimons notre monde, si nous voulons du bien à nos contemporains, nous devons prier avec persévérance pour que Dieu retrouve sa juste place dans nos sociétés et qu’Il nous accorde la paix et le sens du partage pour une vraie fraternité. Il ne s’agit pas de prier pour la défense de nos intérêts ou même seulement pour notre bien-être, la prière nous fait désirer les biens ultimes, aspirer à la plénitude de vie qui est notre destinée, souhaiter que toute l’humanité trouve le bonheur promis ; la prière nous fait désirer Dieu et la venue du monde nouveau, de la Jérusalem céleste dans laquelle il n’y aura plus de pleurs, plus de mort, plus aucun mal.
En priant Marie, en passant par elle pour demander à Dieu toutes grâces, nous sommes sûrs que nos demandes, ajustées par elle, recevront un soutien puissant. Dieu ne peut rien refuser à Marie parce que Marie a toujours fait la volonté de Dieu. Elle est tellement unie à la volonté de Dieu que Dieu fait toutes ses volontés !
Croyons-nous que Dieu peut faire quelque chose pour l’Eglise, pour notre pays, pour notre monde, pour nos contemporains ? Avons-nous confiance en Marie ? Si oui, alors nous verrons “en peu de temps” de beaux signes de l’action de Dieu, nous verrons l’ennemi du genre humain reculer, nous goûterons la paix.   

† Guy de KERIMEL
Evêque de Grenoble-Vienne