Par Nathan Daligault
La Saint Valentin est-elle une fête commerciale ? Assurément. Il est d’ailleurs coutumier de la critiquer. Et pourtant, avant de donner son nom à une occasion de couvrir de roses et de mots doux sa bien-aimée, saint Valentin est un pieux serviteur de Dieu, dont l’amour débordant en a fait le saint patron des amoureux. La Saint-Valentin, c’est d’abord une histoire entremêlée de paganisme, de sainteté, d’amour courtois et de vente de chocolat. Retour ici sur cette fête chrétienne du 14 février, aux origines controversées : un itinéraire sinueux - mais amoureux - qui nous conduira de Rome à l’Angleterre, sur plus de deux millénaires.
L’histoire de la Saint-Valentin, prend racine, comme beaucoup d’autres fêtes, avant la naissance de Jésus-Christ. Avant d’être la fête d’un saint chrétien, cette époque de l’année était l’occasion de grandes célébrations païennes qui faisaient la joie de tous les Romains. Imaginez plutôt : Rome était une cité radieuse, le cœur d’un vaste empire glorieux. La vie dans la cité déjà éternelle était réglée au rythme des fêtes populaires dédiées aux dieux païens du soleil, de la guerre ou du vin. Les fêtes des Lupercales s’étendaient du 13 au 15 février, célébrant la louve qui prit mythologiquement soin de Romulus et Remus, les fondateurs de la cité. Dans la grotte qui l’abritait, les grands prêtres se réunissaient. Ils y sacrifiaient vraisemblablement des chèvres et se couvraient de la peau de l’animal tué. Ils sortaient ensuite en grande trombe dans les rues de Rome, (très) peu vêtus, à l’affût de femmes qui n’espéraient que d’avoir le ventre touché par les prêtres : c’était un signe de fertilité. Mais quel est donc le rapport avec notre saint Valentin ? Patience, il arrive. Déjà durant les Lupercales, on raconte que les jeunes hommes romains avaient pour tradition de tirer au sort le nom des jeunes demoiselles disponibles pour, raconte-t-on, apprendre à mieux les connaître. Autrement dit, on cherchait déjà sa « Valentine » sous l’empire romain.
Faites l’amour, pas la guerre ?
Saint Valentin est un jeune évêque italien, parmi les premiers chrétiens. Nous sommes alors au IIIème siècle de notre ère et cet homme de Dieu a une vocation : marier les couples chrétiens pour empêcher les jeunes hommes d’être enrôlés dans l’armée. À cette époque, les chrétiens cherchaient tous les moyens d’échapper à la conscription, essentiellement pour deux raisons : ne pas avoir à se battre, la violence et le meurtre étant contraires à leur foi. Et ne pas avoir à prêter serment à l’empereur, voyant là une odieuse idolâtrie. L’évêque Valentin savait bien que le mariage protégeait les couples : c’était une dispense bien connue au service militaire. Mais l’empereur romain Claude le Gothique eut vent de ces manigances et fut particulièrement agacé par les agissements de notre saint Valentin. Il le fit donc enfermer. Là, en prison, l’évêque s’éprit d’une jeune femme qui venait parfois le visiter. Julia était la fille du geôlier. Elle était aveugle. La légende dorée raconte que Valentin l’invitait dans sa cellule et, amoureux d’elle (c’était encore tout à fait licite pour un ecclésiastique !), il lui décrivait toute la beauté du monde. Un matin, le double miracle eut lieu : Valentin fut libéré, Julia recouvra la vue. Apprenant cela, l’empereur fut plus que furieux. Il fit arrêter une nouvelle fois le saint pacifiste qui mourut en martyr, décapité près de Rome, le 14 février 270, pour célébrer ironiquement les Lupercales de son sang.
L’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais en 495, le pape Gélase Ier, excédé de voir les chrétiens encore festoyer pendant la période des Lupercales, chercha à transformer les festivités païennes en commémoration du saint martyr. Aux prêtres qui lui expliquaient que « c’était la tradition depuis toujours », le pape répondit : « Allez donc vous promener nus dans la rue si c’est la tradition ! » De là débute une subtile tentative de transformer l’antique fête de la fécondité en une fête chrétienne de l’amour. À la place de noms de jeunes filles célibataires, l’Église fit ainsi tirer au sort des noms de saints par les jeunes garçons romains. C’en est fini de sa Valentine, ce ne sera plus que saint Valentin.
Saint patron des amoureux (courtois)
Notre pèlerinage sur les traces de saint Valentin nous embarque de l’autre côté de l’Europe. C’est la fin du Moyen-âge. Une époque où règne la tradition de l’amour courtois, de la séduction chaste et du romantisme imprégné de nostalgie de Rome antique. Je vous plante le décor : de vastes plaines verdoyantes, un soleil timide, un ciel humide, des auberges où s’accumulent des cervoises tièdes auprès du feu… C’est l’Angleterre. Là, un jeune poète du nom de Geoffrey Chaucer découvre une vieille lettre d’amour écrite un 14 février, dans laquelle une jeune femme appelle son amoureux « my Valentin ». Passionné de l’Antiquité, Chaucer y voit le signe que la Saint-Valentin a définitivement remplacé les Lupercales romaines en cette période de l’année. Emprisonné à Reims pendant la guerre de cent ans, l’écrivain s’était déjà aperçu qu’en vieux français, le nom de Valentin avait donné « galant », « galantin » et « galanterie ». C’en était trop pour qu’il ne puisse contribuer à la popularité de cette fête chrétienne de l’amour. Chaucer écrivit donc « Le parlement volatile », un poème en vieil anglais intraduisible qui célèbre métaphoriquement l’amour culminant le 14 février, moment où les oiseaux reviennent eux aussi pour s’aimer : Le jour de la Saint-Valentin, l’assemblée des oiseaux revient / alors qu’on greffe les jeunes poiriers, les oiseaux se retrouvent pour s’aimer / ils devront ensuite accueillir tout l’été. (C’est de moi...).
C’est à peu près à cette époque, en 1496, qu’Alexandre VI, le pape Borgia - qui n’était pas non plus en reste en matière d’amour - décida de faire officiellement de saint Valentin le saint patron des amoureux.
Et maintenant, peut-on fêter une joyeuse Saint-Valentin ?
« O tempora, o mores » ! Les temps changent mais rien ne bouge : les jeunes de notre époque cherchent toujours autant à chanter leur amour, comme les oiseaux, le 14 février de chaque année. Et si plus personne ne s’aviserait de fêter la fertilité des Lupercales romaines, on peut au moins se réjouir de la popularité du nom de saint Valentin pour célébrer les amoureux. Pourtant, force est de constater que saint Valentin lui-même n’a plus grand chose à voir avec cette fête devenue, avec le temps, une fête « civile », pour ne pas dire une nouvelle fête païenne. En France, c’est vrai, la fête est l’occasion pour les fleuristes de multiplier par sept leur chiffre d’affaires. La Saint-Valentin demeure surtout une grande tradition anglo-saxonne, particulièrement en Amérique où il est coutume, pour les écoliers, de s’échanger des cartes d’amour. En Asie, la Saint-Valentin remplace petit à petit les fêtes plus traditionnelles de l’amour au point que les gouvernements s’inquiètent de cette « conquête culturelle occidentale ». Au Japon, les grands fabricants de chocolat ont réussi à faire de cette fête une célébration officielle au cours de laquelle il est plus que recommandé d’offrir du chocolat à l’être aimé. L’Église, elle, a finalement abandonné la Saint-Valentin puisqu’elle a retiré saint Valentin de son calendrier officiel par décision du pape Paul VI, en 1969.
Mais faut-il abandonner notre saint Valentin ?
Assurément non. Le martyrologe et La légende dorée ont fait de notre Valentin romain le saint dévoué des amoureux, œuvrant au nom de l’amour de Dieu. Et pourquoi pas cette année commémorer le martyre de ce grand saint, en lui offrant le 14 février l’occasion d’intercéder pour notre amour ici-bas ? En fait, une autre institution de l’Église a su mieux protéger et fortifier l’amour humain : magnifiant la relation entre un homme et une femme, l’Église a fait de notre amour le reflet de l’amour divin. Par le mariage, nous pouvons faire grandir cet amour en vue d’une communion parfaite avec Dieu, qui nous a voulus ensemble pour imiter dans la chair la fécondité du Créateur. « L’homme quittera son père et sa mère afin de s’attacher à sa femme ; tous deux ne formeront qu’une seule chair » (Gn 2 : 24). À la suite des premiers chrétiens qui désiraient se marier et éviter ainsi d’aller guerroyer, faisons du mariage chrétien notre combat. Relevons ce nouveau défi pour notre siècle : celui de faire vivre l’amour de Dieu à travers l’amour humain. Ainsi, pour la Saint-Valentin, rien ne nous empêche de renouveler notre amour et d’offrir à notre bien-aimé(e) une rose, un lys ou un œillet. Et pourquoi pas du chocolat japonais ! Pourvu qu’on se souvienne de ce saint qui a tant fait au nom de ce Dieu qui nous a tant aimés.
Saint Valentin, patron de ceux qui s’aiment, priez pour nous !
Nathan Daligault
Prière à saint Valentin :
Saint Valentin, protecteur de ceux qui s’aiment,
Toi qui as vécu et annoncé, au risque de ta vie, le message de paix de l’Évangile,
Toi qui, par le combat d’amour du martyre, as triomphé de toutes tes forces de l’indifférence, de la haine et de la mort,
Ecoute notre prière : face aux divisions du monde, donne-nous de toujours nous aimer sans aucun égoïsme pour être, au milieu de tous, de fidèles témoins de l’Amour de Dieu.
Accorde-nous de demeurer animés d’un amour et d’une confiance capables de nous faire surmonter les obstacles de l’existence.
Nous t’en prions, intercède pour nous auprès de Dieu qui est la source même de tout amour et de toute beauté et qui vit et règne pour les siècles des siècles. Amen.
Saint Valentin, priez pour nous !
Bonne nouvelle ! Pour ceux, célibataires ou amoureux, qui souhaiteraient se recueillir ou pèleriner près des reliques de saint Valentin, c’est possible, et un peu partout :
- À Rome, dans la basilique Santa Maria in Cosmedin, on trouve une châsse en or abritant le crâne de saint Valentin (pas forcément très romantique...).
- À Glasgow, en Écosse, l’Église organise des rendez-vous romantiques autour des reliques de saint Valentin : l’occasion pour de nombreux couples d’y renouveler leur promesse de mariage.
- À Dublin, en Irlande, on vient faire parfois bénir sa bague de fiançailles sur les reliques de saint Valentin.
- Enfin, en France, à Prades, on peut également venir vénérer les reliques du saint des amoureux.
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