Bonne fête de Pâques de Jérusalem - Par le Père Madros

Le dimanche de Pâques A 2017 A.D. - Des Palmes au Tombeau vide, à la sortie d’Egypte[1] - (Ac 10, 34- 43 ; Col 3, 1- 4 ; Jn 20, 1- 9) - (par P.P. Madros)

Une note préliminaire

En principe, cette homélie doit traiter la résurrection du Crucifié. Mais il serait trop expéditif de « brûler les étapes » et d’oublier que « le dimanche des Rameaux » était vraiment devenu « dimanche de la Passion », surtout en Egypte, cette année, à Tanta et à Alexandrie. En dépassant notre égocentrisme de « chrétiens du Moyen-Orient » et surtout de la Terre Sainte (nous sommes les fameux « saints de Jérusalem », ainsi baptisés par l’apôtre des nations, s’il vous plaît), nous nous rendons compte que nous ne sommes pas les seuls à verser notre sang pour le Seigneur !A « Saint-Etienne »-du-Rouvray, nom emblématique de la localité du protomartyr français, l’abbé Jacques Hamel a inauguré, dans notre siècle, en France, le témoignage de sang pour le Nazaréen !

Tout de suite, l’objection surgit : « Attention ! Les victimes de Paris (du stade et tout le bataclan !), de Berlin, de Londres, de Nice, de Stockholm… ne sont pas des martyrs de Jésus-Christ, contrairement aux chrétiens de Syrie, d’Irak, d’Egypte…Franchement (faut-il dire la vérité pour une fois ?), toutes ces victimes ne l’auraient jamais été si elles avaient été présumées non chrétiennes, en l’occurrence musulmanes sunnites. Vous hochez la tête ! « Pas d’accord » « Soit ! Soyons bon enfant ! » Mais, comme se plaignait déjà Jean-Paul Sartre à propos de l’Occident : « Tout est chrétien ! » En effet, malgré les apparences d’athéisme, d’agnosticisme, de christianophobie, de laïcisme, de sécularisme, pour les agresseurs, il s’agit d’infidèles impurs, « des pires parmi les créatures »,  de polythéistes trithéistes, de Nazaréens corrompus et blasphémateurs à tuer » (d’après le Coran 5 : 17). D’autre part, miraculeusement, les diverses réactions des « Occidentaux », même agnostiques, indifférents, carrément athées, dans toutes ces métropoles, ont été typiquement chrétiennes, avec des croix de temps en temps (surtout en Suède) ! Aucun n’a vociféré « Vengeance ! » Personne n’a hurlé : « Mort aux terroristes ! » Marches, veillées, cierges, prières, solidarité avec les victimes et leurs familles !  Certains ont eu l’audace, comme l’évêque de l’abbé Hamel, de balbutier : « Père, pardonne-leur ! »

Si tout cela n’est pas chrétien, si tout cela ne reflète pas « la douceur du Christ » et « la civilisation de l’amour » ainsi que la culture exclusivement évangélique de la non-violence (copiée par un Mahatma Ghandi), là où on s’attendrait, de la part de « néo-païens », à des cris comme, pour les gladiateurs : « Achevez-les ! Finissons-en pour avoir la paix et pour nous divertir ! »,  alors que serait le Christianisme ?

Le dimanche de la Passion-des Rameaux chez tous les Coptes d’Egypte et du monde

Les 44 martyrs qui portaient les rameaux, en procession, sur terre, sont passés aux palmes du martyre, au ciel, participant à la victoire de l’Agneau sur le mal et le péché ! D’après le rite copte, semble-t-il,  le célébrant administre pendant ce dimanche un rite général de… funérailles pour les personnes présentes ! Elles se préparent, comme conseille constamment saint Paul, pour « mourir avec le Christ, être ensevelis avec lui ! »  D’avance, l’officiant prie pour le repos des âmes des fidèles qui participent aux offices! Rite prophétique qui est tombé à pic cette année ! Et si quelqu’un d’eux a la fâcheuse idée de mourir en pleine Semaine Sainte, eh bien il ou elle a droit à des funérailles sommaires ! La liturgie copte applique ainsi à la lettre (il n’y a pas que les « fondamentalistes » qui sont littéraux !) la déclaration de l’Apôtre : « L’amour du Christ nous comprime. Partant, nous estimons que si quelqu’un (Jésus) est mort pour tous, tous donc sont morts » (2 Cor 5, 14 s).

 

La Pâque et les Pâques, surtout cette année !

Les deux fêtes, la juive et la chrétienne, tombent dans cette même semaine[2]. Quelle joie pour les Hébreux de sortir de l’esclavage d’Egypte ! Quelle tristesse pour les Coptes d’Egypte (des Chaldéens de l’Irak, des Maronites du Liban etc…) d’émigrer de leur patrie ! Libération, liberté, dans le Pesach פסח, pour un seul peuple, non sans détriment pour les mauvais « Egyptiens » qui l’ont suivi ! Les Pâques de Jésus : son passage de la mort à la vie, de la honte à la gloire, et notre passage du péché à la grâce, de l’égoïsme à l’altruisme, du tombeau-prison de la chair (un jeu de mot en grec « sema » et « soma », corps, selon Platon conciliant Héraclite et Socrate) à la liberté des enfants de Dieu, dans l’esprit, par la force de l’Esprit !

Dans le baptême, nous avons traversé la Mer des Roseaux, voire le Jourdain (besogne bien plus facile), mais sans laisser derrière nous des cadavres d’ « Egyptiens » ou de Moabites. Oui, Dieu peut nous sauver sans noyer d’autres. Il nous donne la joie sans attrister d’autres. Voici la mentalité chrétienne et le triomphe de Jésus sans la défaite des autres ! Jésus n’avait qu’en faire ! Voici la maturité humaine et chrétienne : avoir raison sans qu’un autre n’ait tort, vivre sans qu’un autre ne meure !

 

La trahison de Judas, la lâcheté de Pierre, l’irresponsabilité de Pilate, la fuite des Onze, l’incrédulité de Thomas !

La politique mondiale ou globalisée unit tous ces méfaits, entre autres ! Puisque seuls les intérêts stratégiques, financiers, militaires comptent, dans les hauts échelons, on laisse tomber et on fait détruire des nations entières ! Préférant éternellement Barabbas à Jésus, aveuglés par la lueur des « trente sicles d’argent », on trahit le Maître, on crucifie le bienfaiteur ! Si « Paris valait bien une messe », pour Henri IV, le poste de Gouverneur de Judée valait bien, pour Pilate, la tête d’un Nazaréen illuminé, même innocent et inoffensif, raison de plus pour l’écraser !

La négativité envers le Christ : nous la constatons plus que jamais ! Le journaliste italien Antonio Socci n’a pas hésité à intituler l’un de ses ouvrages « Guerre contre Jésus » ! Plus de chrétiens au Moyen-Orient (Message explicite des djihadistes kamikazes, d’après le Coran 2 : 193 ; 9 : 5 et 29), pas plus qu’en Extrême Orient, surtout au Pakistan, ou quelques pays d’Afrique ; plus de crèches, plus de  croix ou de crucifix, plus de processions catholiques, plus de « avant Jésus-Christ, après Jésus-Christ », pas de catéchisme dans les écoles publiques (dont certaines, paraît-il, enseignent l’arabe, en France, sous prétexte de multiculturalisme. Manifestement, on a perdu son latin !)

 

Mort cruelle de Jésus

Notre saint Cyrille de Jérusalem, dans sa treizième Catéchèse baptismale nr 33, s’écrie : « Nous étions ennemis de Dieu par le péché… Il fallait donc que l’un des deux arrive : ou bien que le Dieu fidèle (à sa parole) détruisît les hommes, ou bien qu’exerçant sa miséricorde, il rapportât sa sentence ! Le Christ a pris nos péchés en son corps sur la croix … Pas un homme de rien qui mourait pour nous, pas davantage une brebis matérielle (ndr : comme dans les sacrifices) ; ce n’était pas un homme sans plus ; pas seulement un ange, mais un Dieu fait homme ! «

N° 35 : « Mais nous cherchons à savoir avec certitude où il a été enseveli… Les prophètes nous disent : « Regardez vers la pierre dure que vous avez taillée » (Is 51, 1). Tu trouves dans les Evangiles : « Dans un tombeau taillé dans le roc » (Marc 15, 46).

N° 37 : « Si quelqu’un dit que la croix est une apparence (théorie des docètes), dans ce cas le salut serait une apparence, ainsi que la résurrection du Seigneur ! »

 Résurrection de Jésus, résurrection de la chrétienté !

Quoi qu’on dise, quoi qu’on pense, malgré toute la haine ancienne et nouvelle contre Jésus-Christ, dont le drame se renouvelle constamment (« C’est tous les jours le Vendredi-Saint », Bossuet), le Christ est toujours vivant ! Il  ne s’agit pas seulement de son tombeau, encore vide ; pas davantage de ses ossements qu’il n’y a pas moyen de retrouver, malgré l’ingéniosité et les mensonges de ses adversaires d’aujourd’hui ! Il s’agit de l’éternité de ses enseignements. Figurez-vous, tout ce que l’on considère comme « valeurs humaines contemporaines » ne sont que la pensée de Jésus de Nazareth ! Répétons-le : liberté, égalité, fraternité, laïcité, dignité de la personne humaine : le premier à les proclamer : Jésus-Christ ! Vous ne les trouvez nulle part ailleurs dans l’Antiquité ! Et dans le monde contemporain qui s’en gargarise, en en niant peut-être l’origine christique et évangélique, vous n’avez pas ces « valeurs » avec autant d’amour, de miséricorde, de pardon, de douceur, de chaleur, de bienveillance et d’humilité !

Rien d’étrange : le Christianisme couronne et constitue « l’humanisme intégral » (Jacques Maritain). Depuis l’Incarnation, Dieu a  un visage humain. Vainqueur du péché, il a inauguré, par sa résurrection, notre propre victoire sur la mort !

En 2017 après le Christ, nous avons besoin d’une ressuscitation de la chrétienté, bien persécutée, fort décimée en Orient et dans quelques régions d’Afrique, ainsi que d’une belle résurrection du Christianisme en Occident ! Nous prions et pleurons demandant que « le nom du Seigneur soit grand parmi les nations », nous qui élevons sur nos autels « une offrande pure » tous les jours et  pendant vingt-quatre heures, « du lever du soleil jusqu’à son coucher » (Malachie 1, 11). Cette prophétie ne s’est jamais réalisée dans le Judaïsme et ne s’y réalisera jamais ! Inconcevable pour les Juifs contemporains que le  Seigneur accepte des « goyîm גוים », des « nations », une offrande, un sacrifice, et « purs » par-dessus le marché ! Il n’y a pas trente-six mille façons d’interpréter la prédiction de Malachie : le Sacrifice de Jésus, grand-prêtre selon l’ordre de Melchisédech, immolation annoncée par les paroles de la consécration sur le pain azyme et le vin, a inauguré le sacerdoce international «  de la nouvelle alliance » (Rom 15, 16) et le renouvellement de l’unique sacrifice, à longueur de journées et de siècles. Or, le « scandale », la pierre d’achoppement, de « la croix » (cf 1 Cor 1, 18 s) consiste précisément dans le refus juif populaire (malgré Isaïe 52) de la souffrance et de l’humiliation du « Roi Messie מלך המשיח). L’on constate ce même rejet dans l’Islam (Coran 4 : 157).

Dans notre misère humaine, malgré de graves déviations chez certains membres du clergé, dans la dégénérescence de peuples et de pays autrefois « chrétiens » qui, à l’envi, promulguent des lois iniques (avortement, divorce, euthanasie, unions homosexuelles officialisées, initiation sexuelle aux tout petits !), nous n’osons murmurer que la prière du publicain, confondus, la tête inclinée : « Seigneur, aie pitié de nous, pauvres pécheurs ». Heureusement pour nous, péniblement pour les familles de nos martyrs, en Orient et en Occident, non seulement « ont-ils lavé leurs vêtements dans le sang de l’Agneau », y mêlant le leur, mais aussi espérons-nous, comme le déclarait Tertullien, que « le sang des martyrs soit la semence des chrétiens » ! Et que, maintes fois de plus, depuis le dimanche de Pâques de l’an 30, de la mort rejaillisse la vie !

 

Conclusion

Bonnes Pâques de Jérusalem, de Damas, de Bagdad, du Caire, de Tanta, d’Alexandrie, de Stockholm, de Dortmund, de Berlin, de Paris, de Nice, de Londres, de Bruxelles, de San Bernardino, du Nigéria, du Pakistan… Jamais dans la haine, mais avec les larmes, la solitude, l’ombre de la mort, la cruauté des homicides et des génocides, oui, nous pouvons sans hésiter citer le Psaume et saint Paul, en nous adressant au Seigneur crucifié et ressuscité : « C’est à cause de Toi que nous sommes livrés à la mort tous les jours  (c’est là aussi notre sacrifice de chrétiens, unis aussi par « l’oecuménisme du sang »). Toujours à cause de Toi on nous considère comme des bêtes de somme » (Ps 44 (43), 22 ; Rom 8, 36).

Et la consolation ? Le dernier mot ? Le voici, emprunté à l’apôtre des Gentils et des Juifs, dans la suite de ce même passage de la Lettre aux Romains (8, 37- 39) : « Mais, en tout cela, nous sommes les grands vainqueurs grâce à Celui qui nous aimés ! Oui, j’en ai l’assurance, ni mort ni vie…ni présent ni avenir, ni puissance, ni hauteur ni profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus notre Seigneur ! »

« Le Seigneur est vraiment ressuscité et il est apparu à Simon-Pierre » (Luc 24, 34).

Bonnes fêtes, saintes Pâques

 

[1] Ou bien : « De Berlin à Stockholm, et de Paris à Londres ». Avec le titre, nous avons deux vers alexandrins !

[2][2] Les « Témoins de Jéhovah », pseudo-chrétiens,  ne célèbrent pas du tout les Pâques chrétiennes (contrairement au commandement de saint Paul dans 1 Cor 5, 7-8) mais bien la pâque juive « le 14 nisan » sous le couvert de « la cène du mémorial ».

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